Un colloque inspirant pour favoriser une vieillesse citoyenne !
Le colloque « Mieux vieillir à Montréal : des actions concertées pour une vieillesse citoyenne » a fait salle comble, le 24 octobre dernier, à l’hôtel Plaza Centre-ville. Organisé par le Réseau Résilience Aîné.es Montréal (RRAM), il a attiré plus de 150 personnes pressées d’entendre de nombreux intervenants de Montréal et de Québec parler des projets innovants menés pour favoriser une pleine participation des personnes aînées. Retour sur les moments forts de cette journée emballante.
Mot de bienvenue de la Ville de Montréal
Magda Popeanu, membre du comité exécutif et responsable de la performance organisationnelle, de la participation citoyenne et de la démocratie à la Ville de Montréal, a ouvert le colloque. Durant son bref discours, elle n’a pas manqué de souligner l’importance des personnes aînées dans la société, tout comme le besoin urgent de les écouter et de les respecter. Rappelant la stratégie de la métropole à titre de Municipalité amie des aînés, elle a conclu : « Je crois fermement qu’en créant une communauté inclusive qui tient compte des opinions et des besoins des personnes âgées et de tout âge, nous obtenons un résultat impressionnant : nous essayons de créer une communauté qui est épanouie, solidaire, et qui s’entraide. »
Un portrait inédit de la population montréalaise
L’Enquête sur la participation sociale et l’isolement des personnes de 55 ans et plus visait à documenter des thèmes absents d’autres recherches. Marie-Chantal Gélinas et Sophie Goudreau, de la Direction régionale de santé publique de Montréal, en ont présenté les principaux résultats. Menée entre le 19 août et le 21 décembre 2021, en pleine pandémie, l’enquête a rejoint plus de 7 000 répondants. Le portrait qui émerge des informations recueillies montre qu’à Montréal, 21 % des personnes de 55 ans et plus ont souvent le sentiment d’être isolées. S’il faut tenir compte du contexte pandémique en interprétant les résultats, la participation sociale apparaît tout de même comme un déterminant clé pour vieillir en santé.
D’après l’enquête, sept grands facteurs sont associés à l’isolement social : vivre seul, avoir 80 ans et plus, avoir un revenu inférieur à 30 000 $ par année, se percevoir en mauvaise santé globale, se percevoir en mauvaise santé mentale, n’avoir personne pour recevoir de l’aide si l’on doit rester au lit et n’avoir personne à contacter en situation de crise. À Montréal, 29 % des personnes de 55 ans et plus cumulent au moins trois de ces facteurs de risque. Note encourageante, 75 % des répondants ont au moins une forme de participation sociale, ce qui augmente fortement leur sentiment d’utilité et réduit leur risque d’isolement. L’enquête a servi à réaliser une cartographie des milieux les plus touchés par l’isolement social afin d’orienter les actions de la santé publique montréalaise. Le Secrétariat aux aînés a intégré dans le plan d’action pour 2024-2029, La fierté de vieillir, une enquête sur les conditions de vie des personnes aînées afin de guider les actions du gouvernement.
Le privilège de vieillir
Dans son allocution vidéo, Mme Sonia Bélanger, ministre responsable des Aînés, a mentionné le nouveau plan d’action pour 2024-2029 qui met de l’avant une centaine de mesures visant à améliorer la vie des personnes aînées. « J’ai la conviction profonde que l’âge ne doit pas être un frein à une vie stimulante et enrichissante, a-t-elle fait valoir. Nous oublions trop souvent que vieillir est un privilège ; il est grand temps que la vieillesse soit perçue plus positivement. »
Des actions concrètes pour contrer l’âgisme
Afin de promouvoir la participation sociale, qui est un moyen de contrer l’âgisme, l’équipe de la FADOQ Montréal a réalisé des activités de sensibilisation avec l’apport de citoyens aînés partenaires. Une campagne régionale de marketing social s’est déployée au moyen d’une touchante vidéo intitulée Le Vieux-Montréal. Ce qui s’annonce d’abord comme une visite guidée touristique se transforme plutôt en une habile mise en valeur de personnes aînées présentes à divers endroits dans la ville. « Il y avait eu plusieurs campagnes depuis 2010 pour dénoncer l’âgisme, a expliqué Rosée Tremblay, directrice générale de la FADOQ Montréal. Là, on voulait adopter une approche différente en mettant en lumière l’importance du travail des aînés et leur apport à la communauté. Au lieu de dénoncer, on a voulu donner le goût aux gens de participer. » Après la projection de la courte vidéo, l’animatrice de la journée, Michèle Sirois, n’a pu s’empêcher de lancer : « Après deux pubs de voitures, chaque télédiffuseur devrait diffuser une vidéo comme celle-ci ! » Une proposition qui en a fait sourire et réagir positivement plusieurs dans la salle.
C’est qu’il faudra encore bien des efforts pour agir contre l’âgisme, a souligné Sophie Duchesneau, responsable des programmes sociaux à la FADOQ Montréal.
Elle a d’ailleurs cocréé, avec des membres du RRAM dont une citoyenne aînée partenaire et la firme de communication Atlas & Axis, un projet pilote de cafés-rencontres sur la participation sociale comme moyen de lutter contre l’âgisme. D’une durée de deux heures, des cafés-rencontres ont été organisés dans quatre organismes communautaires montréalais, d’avril à juin 2023. Ils ont offert des espaces de discussion accueillants pour des personnes aînées plus isolées, plus démunies, comme des personnes avec une déficience intellectuelle et leurs proches, des personnes issues de la communauté LGBTQ+ ou à faible niveau de littératie. Plusieurs en sont ressorties plus confiantes, plus fières, conscientes des impacts de leurs engagements », a conclu Mme Duchesneau. En 2025, la formule d’animation élaborée sera proposée gratuitement aux organismes communautaires.
Tisser des liens de confiance
Un touchant tandem a partagé une approche intergénérationnelle des plus inspirantes. Le duo est formé du Dr Antoine Boivin, professeur agrégé au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de l’Université de Montréal, et de Mme Ghislaine Rouly, patiente partenaire et accompagnatrice auprès de personnes malades, démunies ou en fin de vie depuis de nombreuses années. Ensemble, ils ont cofondé le programme de recherche participative Communauté soignante sur l’intégration des pairs en soins communautaires.
« Apprendre à entendre, à écouter, c’est beaucoup ce que j’ai fait dans les dernières années aux côtés de Ghislaine, a confié Dr Boivin. Souvent, on peut arriver avec la bonne solution au mauvais problème pour un patient. Parce qu’au fond, le réel problème en dessous des problèmes de santé, c’en est un d’isolement, de tristesse, de deuil, de perte d’autonomie ou de perte de sens… On dit qu’un médecin, c’est un pauvre substitut à un ami qui écoute. Je peux bien prescrire des pilules, mais c’est difficile de prescrire un ami au quotidien. » C’est alors qu’il fait intervenir Ghislaine avec laquelle il s’amuse à dire qu’il forme un « vieux couple professionnel ». Le regard doux et solide à la fois, Ghislaine sait écouter et offrir du soutien comme personne. « Je suis née avec deux maladies orphelines, j’ai traversé trois cancers et j’accompagne des gens malades dans leur trajectoire depuis plus de 50 ans, dit-elle simplement. Je me présente à eux en tant que patiente, pas en tant que professionnelle de la santé. Je ne peux rien faire d’autre que les accueillir, les écouter et les conseiller, s’ils le veulent. » On l’aura deviné, l’ingrédient essentiel d’un tel accompagnement réside dans les liens de confiance établis au fil du temps. D’autres patients ont vécu des expériences qui leur confèrent la capacité de devenir aussi des pairs accompagnateurs.
Soutenir les intervenants communautaires
Dans leur travail auprès des personnes aînées, les intervenants communautaires font souvent face à des défis de taille et peuvent se sentir dépassés, voire isolés eux-mêmes. C’est ce qui a incité la Coalition pour le maintien dans la communauté (COMACO) à créer la Ligne intervenant.e aîné.e Montréal. Comme l’explique Maryse Bisson, directrice générale de la COMACO : « On sait que le profil des aînés est en train de changer. Bientôt, par exemple, ils seront majoritaires dans le secteur de l’itinérance. C’est inquiétant ! L’intervenant communautaire est souvent le seul à réussir à créer un lien de confiance, car les gens dans le besoin ne veulent pas nécessairement être repérés par le réseau. Cela isole les intervenants et peut devenir très lourd. » La COMACO a aussi élaboré divers outils et formations qu’elle adapte constamment en fonction des besoins. Les formations comportent des simulations pour aider, par exemple, à obtenir le consentement éclairé des personnes aînées afin de les référer à des ressources de soutien en respectant leur volonté. « Je pense qu’on a créé une sorte de lettre d’amour au communautaire, s’amuse-t-elle à illustrer. C’est-à-dire des outils faits pour et par le communautaire, pour baliser et valoriser ce que font les experts sur le terrain. »
Du côté de Québec, une Initiative emballante
Les actions réalisées à Québec ont fait grande impression lorsque Nancy Pilote et Mireille Fortier ont décrit L’Initiative pour l’inclusion sociale des personnes aînées : un enjeu collectif que soutient l’Institut sur le vieillissement et la participation sociale des aînés (https://www.ivpsa.ulaval.ca) de l’Université Laval. Sept activités de prise de parole ont été offertes à des personnes aînées aux prises avec des défis d’inclusion. Ces espaces citoyens ont été organisés dans les communautés où se déroulent des projets de L’Initiative. Fait intéressant, les interventions misent sur l’agentivité des personnes âgées, un concept « qui fait référence à la capacité d’agir et d’exercer une influence sur l’environnement et sur la vie quotidienne ».
La série documentaire Présent.es offre un autre bel exemple du succès de L’Initiative en termes de sensibilisation intergénérationnelle. Ses quatre courts épisodes donnent la parole à des personnes aînées et les montrent en action avec des plus jeunes. Comme le précise la plate-forme de diffusion de Présent.es, malgré leur bénéfice pour chaque génération, les relations intergénérationnelles sont souvent négligées. Mettre en valeur des histoires qui témoignent de la richesse de ces relations permet d’ouvrir un dialogue pour changer les normes sociales et pour briser les stéréotypes qui limitent la participation des personnes aînées. « Notre mantra était de faire quelque chose « pour » et « avec » les personnes aînées, donc de voir comment elles voulaient que l’âgisme soit présenté et quelles étaient leurs idées pour lutter contre », a conclu Marie-Claude Savoie, conseillère en communication pour L’Initiative.
Passer de la consultation au leadership citoyen
L’expérience du Conseil citoyen du RRAM depuis quatre ans illustre le riche potentiel que recèle la participation des personnes aînées. France Cardinal Remete, membre de l’exécutif du Conseil, a décrit comment les 10 membres ont d’abord répondu aux demandes de consultation des organisations partenaires du RRAM, puis comment ce rôle a fait place à la collaboration et au partenariat. À l’été 2023, le Conseil s’est toutefois fixé deux priorités : réaliser des projets intergénérationnels et obtenir l’intégration des personnes aînées dans les lieux de prise de décision. Il est ainsi passé au leadership citoyen.
L’émergence d’un tel leadership exige toutefois certaines conditions propices et c’est ce dont il a été question dans les échanges entre Dre Paule Lebel, directrice scientifique du RRAM, et Denise Veilleux, membre du Conseil citoyen. Au fil des questions de l’animatrice, Michèle Sirois, elles ont évoqué les moyens de développer le leadership citoyen. Dre Lebel a insisté sur l’importance de la co-construction avec les personnes aînées. Pour former le groupe, il faut aussi tenir compte de la diversité : « On a voulu des gens de différents lieux géographiques et de différentes appartenances pour représenter Montréal dans sa diversité. On a créé un profil des personnes recherchées et on a travaillé avec les organismes partenaires du RRAM pour les recruter. » La sélection s’est faite à la suite d’entretiens d’une heure qui abordaient des expériences du vieillissement, comme la retraite, le deuil et la proche-aidance, et la participation sociale. Au fil du temps, on a mis à contribution les savoirs expérientiels de chaque membre du Conseil en fonction de ses intérêts et de ses capacités.
Selon Mme Veilleux, il n’y aurait pas eu de leadership citoyen possible sans la vision audacieuse de Dre Lebel et de Valérie Lemieux qui ont conçu le RRAM en plaçant la participation des personnes aînées au cœur du projet. Par la suite, il a fallu accorder le temps nécessaire à la co-construction, au soutien administratif et logistique, à l’animation des réunions, à la formation des membres du Conseil, etc. Développer le leadership citoyen demande aussi de l’ouverture pour s’adapter à l’évolution du groupe. Par rapport à l’avenir, Mme Veilleux a mentionné le plan de pérennité élaboré pour que l’action du Conseil citoyen puisse continuer après la fin du RRAM en mars 2025. Un des lieux de décision ciblés est la Direction régionale de santé publique de Montréal. Le Conseil citoyen a transmis au comité exécutif de la Ville de Montréal son mémoire intitulé Un Conseil des doyennes et doyens, pour mieux vieillir à Montréal. Dans une dernière intervention, Mme Veilleux a lancé un vibrant appel à s’engager. « Nous, les personnes aînées, on n’est pas seulement des usagers, et surtout pas des serpuàriens. On n’est pas seulement des bénéficiaires, ni des clients. On est des citoyennes et citoyens, jusqu’à la fin. »
Pour une retraite active et engagée
De plus en plus, on reconnaît l’importance pour les personnes vieillissantes de poursuivre des activités de participation sociale durant la période de transition qu’est la prise de la retraite. Barbara Fillion, de la Direction régionale de santé publique de Montréal, a présenté un projet porteur et concret qui vise à faciliter cette transition et à développer la résilience. De la REtraite à la PROtraite, l’un des cinq projets menés par le Réseau Résilience Aîné.es Montréal, a produit sept feuillets sur diverses formes de participation, dont l’activité physique en groupe, le bénévolat relationnel ou de compétences, l’entrepreneuriat social et le rôle de grands-parents. Une tournée de diverses organisations fera connaître les ressources et établira des contacts entre les acteurs concernés.
Une célébration de l’engagement bénévole
L’hommage aux bénévoles a été confié à Dre Mylène Drouin, directrice de la Direction régionale de santé publique de Montréal. Les candidatures proposées par les organisations partenaires du RRAM ont permis de remercier plus d’une vingtaine de personnes engagées auprès des personnes aînées. Au fil des photos qui défilaient à l’écran, toute la diversité des formes de bénévolat apparaissait et la durée des engagements, dont certains depuis 42 et 58 ans !
Après avoir signalé la contribution particulière des 10 membres du Conseil citoyen du RRAM, Dre Drouin a salué de remarquables anonymes qui disaient ne pas souhaiter de reconnaissance officielle parce que le bénévolat leur apporte tellement de satisfaction. Toutes ces personnes sont « un véritable trésor pour notre Ville, pour nos communautés », a-t-elle déclaré.
Dans son mot de clôture, Dre Drouin a rappelé le chemin parcouru par le Réseau Résilience Aîné.es Montréal. « Toute une histoire que ces cinq années du RRAM. Le vieillissement en santé, le vieillissement participatif, actif, inclusif et citoyen. J’ai appris beaucoup et on a tous évolué, résumait Dre Drouin. On est parti de loin pour arriver où nous en sommes aujourd’hui. Des gens ont défriché, en s’ancrant dans ce qu’on avait déjà à Montréal, en misant sur les forces de notre milieu. C’est un beau et grand chemin parcouru qui nous a aussi permis de faire en sorte que le vieillissement devienne une priorité dans le programme national de santé publique. » À son avis, la participation citoyenne et le maillage créé durant les cinq dernières années sont un gage d’une saine démocratie où le pouvoir est partagé. « On se doit de faire en sorte que les voix des plus vulnérables soient entendues à tous les paliers de gouvernement. Et vous pouvez compter sur mon appui et sur les leviers que j’ai pour continuer à pousser ce dossier-là. »
Après ces derniers mots inspirants, les personnes présentes ont fait durer le plaisir en poursuivant les échanges durant le cocktail de clôture. Les contacts noués durant la journée vont sûrement stimuler le désir de faire partie de la solution pour mieux vieillir à Montréal.